Anatole France : Jean Gutenberg – suivi du Traitté des phantosmes de Nicole Langelier.

En juin 1900 – pour être précis, le 24 juin 1900 – cinq centième anniversaire de la naissance de Jean Gutenberg, Édouard Pelletan publie une petite plaquette pour célébrer cet anniversaire. Il s’agit d’un volume un peu particulier, aussi bien sur la forme que sur le fond. Il regroupe plusieurs textes :

  • une préface : le Dit de l’éditeur,
  • un texte sur Gutenberg,
  • un pastiche de texte ancien.

On notera que le nom du héros n’est pas orthographié de la même façon sur la couverture que dans l’ouvrage lui-même – sans doute parce que la couverture ne comporte, comme titre, qu’une illustration de Steinlen.

La typographie est encore plus soignée que d’habitude : onze caractères différents ont été employés, dont deux, l’italique de Garamond et celle de Grandjean, ont été prêtés par l’Imprimerie Nationale. Le tirage est fait en trois couleurs (le noir, évidemment ; le rouge pour quelques phrases, noms, lettrines, et un orangé, pour la page de dédicace).

L’illustration est tout aussi recherchée. Pour cette plaquette Pelletan demande des dessins à Steinlen (la couverture, le portrait de Gutenberg, le portrait de Nicole Langelier), à F. Florian (la dédicace, une lettrine, l’en-tête et le cul de lampe de la table des gravures), à Bellery-Desfontaines (l’épigraphe de Rabelais, l’en-tête et le cul-de-lampe de Jean Gutenberg) et à Georges Bellenger (trois gravures in-texte, et le cul-de-lampe du Traitté des Phantosmes).

Le ton est à la parodie ; les illustrations de Steinlen sont des « à la manière de » dessinateurs et graveurs du XVe siècle. Sur la page de titre, le portrait de Gutenberg est signé Gottlieb A Steinlen fecit anno 1467. Le portrait de Nicole Langelier, dans lequel il est facile de reconnaître Anatole France, est signé Theophilo Petrusculo, et daté MDLXIV, avec un monogramme inspiré de celui de Dürer. Bien sûr, Gottlieb veut dire qui aime Dieu (ou Amadeus en latin…), soit Théophile, en allemand ; et Petrusculo veut dire petite pierre, soit Steinlen, en allemand… De même, le texte de « Nicole Langelier », censé traiter des fantômes, est une description d’un cabinet de travail, dans lequel il pourrait être tentant de reconnaître le bureau d’Anatole France.

Cette plaquette est composée de la façon suivante :

  • un feuillet blanc,
  • un feuillet avec la première marque typographique de Pelletan,
  • un feuillet portant la justification,
  • un feuillet portant la gravure de dédicace,
  • un feuillet de faux-titre,
  • un feuillet portant le frontispice : le portrait de Gutenberg (daté de 1467, et signé Gottlieb Steinlen…)
  • un feuillet portant le titre, sur 8 pages numérotées en chiffres romains : « le dit de l’éditeur »,
  • un feuillet portant le faux-titre « Jean Gutenberg »,
  • un feuillet portant, en frontispice, une citation de Rabelais, composition de Bellery-Desfontaines, gravée par Mathieu,
  • pages 5 à 14 : le texte de France sur Gutenberg,
  • un feuillet portant le faux-titre « Traitté des phantosmes »,
  • un feuillet portant le fronstipice : portrait de « Nicole Langelier » (Anatole France), signé Theophilo Petrusculo (Théophile Steinlen) et daté MDLXIV,
  • pages 737 à 742 : le texte de France, parodie,
  • un feuillet portant une marque de l’imprimeur Pelletani, datée 1546, gravée par Froment père d’après un dessin de G. Bellenger,
  • un feuillet de faux-titre annonçant la table des matières et des gravures,
  • 2 pages non chiffrées de table,
  • un feuillet portant la justification – très succincte,
  • un feuillet blanc.

Pelletan reproduit ici deux marques typographiques en plus de sa marque habituelle, figurant sur la page de titre : il reprend sa première marque, sans doute parce qu’elle est bien adaptée au livre, reproduisant les portraits de Dürer et de Estienne (ce n’est pas Gutenberg, certes) – et en donne une nouvelle, parodie de marque ancienne.

On voit que Pelletan est un maître pour étirer son texte, et en obtenir un livre de 50 pages.. mais le résultat est un vrai petit bijou, de typographie et de gravure, qui ne se prend pas au sérieux.

Le tirage de cette plaquette est de 113 exemplaires :

  • 2 exemplaires (1 et 2) sur peau de vélin, le premier contenant tous les dessins originaux, plus une double suite d’épreuves d’artiste sur japon et sur chine, et une collection d’épreuves de toutes les gravures sur parchemin (exemplaire d’Adolphe Bordes ?)
  • 6 exemplaires (de 3 à 8 sur japon ancien, contenant une double suite d’épreuves d’artiste, signées, sur japon ancien et sur chine, à 175 fr.
  • 5 exemplaires (de 9 à 13) sur grand vélin à la cuve des papeteries du Marais, contenant une double suite d’épreuves d’artiste, signées, sur japon ancien et sur chine, à 175 fr.
  • 100 exemplaires (de 14 à 113) sur vélin à la cuve des papeteries du Maires, à 60 fr.

Auxquels il faut ajouter un exemplaire « pour chacune des bibliothèques d’état« . Il n’y a aucune mention d’exemplaires de présent.

Il a été tiré en outre 17 collections d’épreuves d’artiste :

  • 1 sur parchemin
  • 6 sur japon ancien à 60 fr.
  • 10 sur chine à 50 fr.

Plus 24 épreuves du portrait d’Anatole France, dont 8 sur parchemin, 8 sur japon ancien et 8 sur chine.

Les exemplaires sont indiqués « grand et petit in-4° » – le tirage courant mesure 20 cm sur 27 cm. L’achevé d’imprimer est daté du 24 juin 1900, imprimé par Lahure.

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